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Français : Courrier de Las Casas à Hénin concernant des menaces de mort proférées par Saint-Just, Dresde, 9 mai 1794

• Don Simon de Las Casas (1742-1798), Ambassadeur d’Espagne à Venise de 1786 à 1795, était l’un des principaux responsables d’un groupe espagnol créé en 1791, l’Agence royaliste de Paris, chargé de renseigner la Cour d’Espagne et, à partir de 1793, de diffuser de la propagande antirévolutionnaire • Etienne Félix Hénin de Cuvillers (1755-1841), Ministre chargé d’affaires de France à Constantinople de 1793 à 1795. Il avait été en poste à Venise de 1785 à 1793 comme secrétaire d’ambassade puis, après 1788, ministre chargé d’affaires de France • Louis-Antoine de Saint-Just (1767-1794), membre du Comité de Salut Public

Saint-Just a prononcé le 11 mars 1794 un « Rapport sur les puissances neutres » devant le Comité de Salut Public. Le texte de ce rapport secret n’a pas été publié du vivant de Saint-Just mais aurait été retrouvé dans ses papiers après son exécution le 28 juillet 1794. Dans ce rapport, Saint-Just a fustigé violemment l’action des diplomates français auprès des puissances neutres et, en particulier, celle d’Hénin dont il a demandé qu’il soit guillotiné pour ses actes. Las Casas, dans le cadre de ses activités d’espionnage, a obtenu par un informateur privilégié, sans doute membre du Comité de Salut Public, plusieurs textes de rapports confidentiels de ce Comité en 1793 et 1794. Des liens d’amitié unissaient l’ambassadeur d’Espagne à Venise avec Hénin qui avait été en poste à Venise de 1785 à 1793. C’est pourquoi, à la lecture du rapport du 11 mars transmis par son informateur, Las Casas a adressé le 9 mai 1794, de Dresde où il était en déplacement pour quelques jours, ce courrier à Hénin pour lui signaler les graves menaces de mort que les propos de Saint-Just faisaient peser sur lui, en donnant dans le courrier de larges extraits des passages du rapport le concernant. Le « rapport sur les puissances neutres » de Saint-Just a été publié en 1834 par J.A. Taschereau dans « Revue rétrospective, ou bibliothèque historique contenant des mémoires et documents authentiques, inédits et originaux». Les passages cités dans le courrier du 9 mai 1794 correspondent strictement au texte publié en 1834. En 1907, Albert Mathiez, professeur d’histoire moderne à l’université de Besançon, a fondé la « Société des Etudes Robespierristes », toujours active. Dans ce cadre, il a publié en 1918 un livre sur « La conspiration de l’étranger » où il mentionne ce courrier du 9 mai 1794 dont il reproduit l’introduction, avec la présentation de l’auteur et du destinataire. Le texte publié correspond bien à notre original.

Albert Mathiez, dans un autre texte intitulé « Le faux rapport de Saint-Just » pense que le rapport du 11 mars 1794 pourrait être une fabrication du comte d’Antraigues, membre du réseau de Las Casas, et constituer une intoxication visant à semer le trouble au sein du Comité de Salut Public et à le discréditer auprès des autres puissances. La lettre adressée à Hénin le 9 mai (qui avait fait suivre à son ministre les précédentes lettres de Las Casas, dont l’une avait servi à évincer Hérault de Séchelles, soupçonné d’être l’informateur de Las Casas ; il sera guillotiné en avril 1794 lors de l’épuration des dantonistes) pourrait faire partie de cette action d’intoxication royaliste.